Non, il ne s’agit pas d’une étoile noire quelque part dans l’univers Star Wars. Il ne s’agit pas non plus d’un groupuscule anarchiste cherchant à poser un ultimatum, bien qu’on s’approche très doucement de la réponse (la couleur a son importance).
Le Black Star Ultimate (BSU) est un club pictave d’ultimate frisbee (disque volant si vous préférez). Il s’agit d’un sport en pleine expansion mais encore assez mal connu. Auto-arbitrage, sans contact, mixité… Les règles de l’ultimate peuvent en intéresser plus d’un·e, également d’un point de vue politique.
Ultimate Frisbee, quelques notions
Pour la petite histoire, à la fin du XIXe siècle, dans le Connecticut aux Etats-Unis, est fondée la « Fribie Pie Compagny », une usine de tartes donc. Quelques décennies plus tard, les étudiants de Yale s’amusent à lancer les moules des tartes Frisbie. Le premier disque volant en plastique verra le jour après la seconde Guerre Mondiale. De fil en aiguille, émergera la discipline sportive du disque volant.
L’ultimate est un sport collectif qui peut se jouer en intérieur (indoor), en extérieur (outdoor) ou sur la plage (beach). Deux équipes jouent sur le terrain. Si le match est indoor, elles seront composées de 5 joueurs et/ou joueuses chacune. S’il s’agit d’un match outdoor, se seront 7 joueurs et/ou joueuses. Le but du jeu est de marquer des points (17 ou moins selon les variantes). Pour se faire, il faut faire une passe à un joueur ou une joueuse de son équipe se trouvant dans la zone d’en-but de l’équipe adverse. Interdiction de marcher ou courir avec le disque en main. Pour marquer, il faut donc être deux au moins (pas de dribbles ou lancés spectaculaires individuels donc). Pendant une partie d’ultimate, il n’y a pas d’arbitre. Les joueuses et joueurs signalent eux-même les fautes, marquant un temps d’arrêt où iels peuvent en parler entre concerné·e·s. Pas de contact physique non plus (donc pas de croche-patte et autres délicatesses). Le fair play est bien de mise.
Black Star Ultimate, club auto-géré
Le Black Star Ultimate est créé l’an dernier de l’envie de faire du sport collectif entre copain·e·s. Au départ, ses fondateurs ont l’idée de faire du football mais il existe déjà quantité d’équipes et l’organisation promet d’être compliquée. Les règles de l’ultimate, énumérées plus haut, correspondent à leurs valeurs. Un disque et plusieurs passes plus tard et l’association du BSU est fondée. L’organisation de l’association est basée sur des statuts collégiaux, c’est-à-dire qu’elle est gérée en co-administration (il n’y a donc pas de président·e ou trésorier·e désigné·e·s). Le nom et le logo du club, énigmatiques, sont une référence au Red Star Football Club, un vieux club de banlieue parisienne manifestant une volonté d’éducation populaire et de lutte contre le racisme. Le noir au lieu du rouge est un clin d’œil à l’anarchisme. Le BSU s’inscrit ainsi dans une lignée de pratique du sport imbriquée dans une réflexion sociale et politique.
Considérant le capitalisme et le patriarcat comme des sources d’oppressions systémiques, considérant nos sociétés comme traversées par un ensemble de rapports de force et de domination, nous pensons qu’il est nécessaire de garder cela à l’esprit lors de nos pratiques sportives, afin de lutter contre ces modèles.
Charte actuelle du club
La charte du BSU, pensée comme évolutive, est rédigée en discussion avec tous les membres. Elle exprime clairement la volonté de faire prendre conscience des rapports de domination et violences qui s’expriment dans notre société et dans le sport. En conséquence de quoi, le BSU souhaite créer un espace où il est possible de faire du sport autrement, entouré·e de bienveillance.
Le club n’est pas très grand (il compte environ 25 membres), ce qui lui permet de mettre en place correctement son auto-gestion. Les rôles et les tâches tournent et de petites commissions sont créées pour discuter certains thèmes. Le club n’est pas fermé aux nouvelles et aux nouveaux mais il cherche à trouver un équilibre qui permet à chacun·e de trouver sa place. Et on ne va pas se mentir, les meilleurs projets auto-gérés ne comptent pas des centaines de membres.
Une équipe régulière (d’une dizaine de membres environ) s’entraînent pour participer à des rencontres compétitives, alors que les autres membres jouent surtout dans une perspective récréative.
« Ni Dieu, ni coach »
Pas d’arbitre, pas de président·e et pas de coach non plus. Je vous dirais presque, mais quelle bande d’anar’ mais ce ne serait que trop vrai !
En début de chaque entraînement, les joueuses et joueurs se réunissent pour établir ensemble ce qu’iels veulent faire et proposent des exercices. Idem à la fin, pour faire le point. Il s’agit encore une fois de faire particulièrement attention aux rapports de domination dans le sport. Durant le jeu, on s’encourage les uns les autres (sans huer les adversaires, va sans dire).
Les entraînements ont lieu deux fois par semaine, une fois en intérieur et une fois en extérieur. Si les débuts avaient lieu un peu n’importe où avec des pulls pour délimiter le terrain, le BSU s’entraîne maintenant dans une salle, une vraie avec un terrain stabilisé, à Saint Benoît et sur un terrain herbeux. Les entraînements sont à la fois l’occasion d’initier les nouvelles et les nouveaux mais aussi de progresser. Encore un équilibre à trouver entre ce que chacun·e veut et peut.
Une initiation non-mixte féminine a lieu une fois par mois. Elle est ouverte à toute personne pour qui l’accès à la pratique du sport serait difficile du point de vue du genre. On questionne ainsi la place des femmes dans le sport et en particulier collectif. Cette expérience de non-mixité a pour but de tendre vers une « vraie » mixité dans le jeu. En effet, bien que l’ultimate autorise et encourage la mixité, celle-ci offre le plus souvent des postes figuratifs aux joueuses. Les filles jouent moins longtemps, sur des postes moins importants et sont souvent moins sollicitées durant le jeu. L’initiation non-mixte permet donc d’oser venir et de prendre confiance pour éventuellement retenter l’expérience en mixité après.
Le sport en tant que milieu dont la performance est l’idéal et où il s’agit de gagner, le plus souvent au détriment de chacun·e, peut en refroidir plus d’un·e alors qu’il devrait s’agir avant-tout de prendre plaisir à jouer ensemble. De part son fonctionnement et ses valeurs, le Black Star Ultimate cherche à tendre vers plus d’égalité et de mixité. Lancer du disque avec le BSU, c’est participer activement à une pratique d’éducation populaire et puis prendre pas mal de plaisir surtout.
Suivez les actualités du club sur la page Facebook : Black Star Ultimate Poitiers – Saint Benoît.