Culture

D’encre et de chair #4 : Quick et Flupke

Posté par Ju le Zébu 18 mars 2019

Cette série d’articles a pour ambition de réunir sous la bannière « d’encre et de chair », des écrivaines et des écrivains qui ont existé et existent par le geste de leur plume, de leur clavier, mais aussi des êtres fictifs qui vivent dans l’ombre des lettres et nous semblent palpables dans nos existences. Le statut de ces protagonistes de la littérature est en fait bien poreux car de ces personnes et personnages nous faisons souvent des uns des héros ou héroïnes mythiques et des autres des êtres que nous croyons connaître aussi bien que notre ami.e le ou la plus proche.
Il s’agira aussi de montrer, une fois n’est pas coutume, que la littérature, si elle a été source de pouvoir un jour, peut encore énormément, même à une époque où le livre est un produit (fragile) comme un autre.
A vrai dire, il s’agit d’une sélection bien subjective, mais que nous faisons tous et toutes en choisissant ceux qui nous inspirent, ceux que nous admirons. Mais peut-être partagerez-vous avec moi dans votre panthéon quelques un.e parmi ceux que je vais vous présentez. Et bien sûr, vous êtes libres d’agrémenter cette liste qui se veut infini
e.

Amateur / amatrice de bande dessinée ou pas, vous connaissez tou.te.s l’infatigable et courageux reporter Tintin, son petit chien Milou, les ectoplasmes du capitaine Haddock, les moustaches des Dupondt, la surdité comique du Pr Tournesol… Mais avez-vous déjà vu passer en courant deux petits garnements échappant à l’autorité (relative) de l’agent 15 ? Connaissez-vous Quick (au pullover rouge et au béret noir) et Flupke (au grand gilet vert et à l’écharpe jaune) ?

Ma première rencontre avec ces jeunes garçons se fît sur un écran de télévision. Nous avions en effet reçu en cadeau, ma sœur, mon frère et moi, deux DVD des exploits de Quick et Flupke. Au départ, cela n’avait pas déclenché chez nous un élan de joie. La jaquette faisait un peu vieillotte et pour cause, les animés dataient des années 1980-90. Le genre de cadeau dont sont très fiers les adultes parce que, comme ils aiment à le dire, eux adoraient ça quand ils étaient gamins. A côté, Pixar et Dreamworks nous vendaient vraiment du rêve.

Et pourtant, nous avons vite été fascinés par l’espièglerie, parfois innocente, de ces deux garçons. C’est un DVD que nous avons regardé encore et encore durant les voyages en voiture, pendant les repas sans fin des adultes…

Quick et Flupke n’ont aucune restriction. Ils font, parfois à leur risque, tout ce qui leur plaît. Vraiment tout. Ils jouissent de plus de liberté que nous. Ils semblent jouer dans toutes les rues de Bruxelles, sur la route, dans les terrains vagues, dans une grande ville en somme, alors que nous nous contentions des limites rassurantes du jardin et des quelques petites rues du village. L’écart générationnel, certes fascinant, se ressent dans l’absence de sur-protection des enfants que sont Quick, Flupke et tous leurs voisins et voisines. Ils vivent à une époque où les chiens se baladent seuls dans la rue, où les voitures, bien que toujours dangereuses, ne roulent pas très vite…

Les Exploits de Quick et Flupke racontent en somme les aventures quotidienne de deux petits garçons, un peu désinvoltes, dans les rues bruxelloises. Plein d’humour et de tendresse, leurs histoires se dressent comme un pied de nez à l’autorité que représente les parents, le bon agent 15 et les adultes en général. Avec eux, les règles sont tournées en dérision et les adultes finissent parfois par y prendre plaisir aussi, qu’il s’agisse par exemple de l’agent 15 qui finit par prendre la place des enfants derrière la palissade d’un terrain de foot pour regarder le match gratuitement ou ne serait-ce qu’à la lecture. Bien que leurs projets leur valent souvent punitions, leur élaboration reste un sujet fantasmagorique pour les petits et les grands.

Quick (diminutif de Patrick) apparaît pour la première dans Le Petit Vingtième en 1930 sous forme d’un gag. Peu de temps après, son ami Flupke (« petit Philippe » en bruxellois) le rejoint. Le plus grand des deux, est un peu le chef, vif et intelligent, mais son pouvoir n’est pas bien assis. Les plans de Quick tournent souvent mal. Flupke, plus jeune, suit mais apporte souvent son grain de sel (il a toute ma tendresse).

Leurs intentions ne sont jamais mauvaises (contrairement à ce que pensent les adultes) mais les conséquences sont un peu hasardeuses ou mal interprétées. Source de petit chaos, ils veulent avant tout s’amuser et faire un peu le bien (pour les animaux ici et là).

Bruxelles

Leurs histoires sont très courtes, une à deux planches maximum. Elles paraissent dans un premier temps dans la presse jusqu’au début de la deuxième guerre mondiale. On les retrouvent donc dans Le Petit Vingtième, Le journal de Tintin mais aussi en France dans Les Coeurs Vaillants. Dans ce dernier, Flupke, jugé trop belge est rebaptisé Jo (pas beaucoup plus français entre nous).

Hergé travaille à la fois aux aventures de Tintin et aux exploits de Quick et Flupke. L’un semble être un peu le revers de l’autre. Dans Tintin, Hergé cherche à dessiner de grandes fresques, montrer de grands voyages… les intrigues sont complexes et le ton un peu « boy-scout » parfois (heureusement, le capitaine Haddock et d’autres viennent rehausser la perfection morale de Tintin). Au contraire, Quick et Flupke, restent dans leur Bruxelles familier. Les gags sont courts et l’humour coule à flot.

Au fur et à mesure que Tintin prendra de l’importance, Hergé délaissera ses deux ketjes (mot bruxellois pour désigner des « p’tits gars »).

Hergé déclarera « …J’ai abandonné ces garnements-là parce qu’ils me donnaient beaucoup de soucis alors que Tintin me mobilisait de plus en plus… ». Ces mots attestent, une fois encore, que les personnages créés habitent littéralement leur créateur. Pour le meilleur ou pour le pire (Agatha Christie ou Conan Doyle souhaitant faire mourir leurs détectives).

La fin de Quick et Flupke est herueusement moins tragique que celle de Poirot ou Sherlock Holmes. Ils font encore quelques discrètes apparitions dans les aventures du grand reporter, toujours avec leur air serviable mais espiègle.

Dans les années 1950, les gags de Quick et Flupke sont réunis en séries qui seront publiées en albums. C’est notamment Johan de Moor, fils du plus grand et fidèle assistant artistique d’Hergé, Bob de Moor, qui se chargera d’adapter Quick et Flupke en animé.

A l’adulte qui nous a offert ces DVD, je dis donc merci, bien qu’il m’en coûte de saluer cet acte d’autorité culturelle ! Les personnages qui ont peuplé les histoires de notre enfance continuent toujours d’habiter d’une manière ou d’une autre notre imaginaire d’adulte. Il en va ainsi pour Quick et Flupke qui sont et restent des figures incontournables d’ingéniosité, de bêtises et de rires. Et même de protection des animaux, comme l’atteste le gag qui suit :

A l’adulte qui nous a offert ces DVD, je dis donc merci, bien qu’il m’en coûte de saluer cet acte d’autorité culturelle ! Les personnages qui ont peuplé les histoires de notre enfance continuent toujours d’habiter d’une manière ou d’une autre notre imaginaire d’adulte. Il en va ainsi pour Quick et Flupke qui sont et restent des figures incontournables d’ingéniosité, de bêtises et de rires. Et même de protection des animaux, comme l’atteste le gag qui suit :

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