Quand on me pose la désagréable question « et toi tu fais quoi dans la vie ? » (ce qui malgré mon article, continue d’arriver régulièrement), je soupire un coup et me lance dans la difficile explication de mon statut : autoentrepreneur. Pourtant, force est de constater que ce statut tend à se démocratiser : nous serions aujourd’hui plus d’1 million en France.
Tout d’abord, je tiens à préciser que je ne vais en aucun cas faire la promotion de l’autoentreprise. C’est un statut en pleine émergence en raison des politiques économiques néolibérales menées depuis des années en France et voir que de plus en plus de jeunes étudiant·e·s (mais aussi des retraité·e·s) créent leur micro-entreprise ne fait que confirmer qu’il s’agit d’un statut des plus précaires dans une société où les inégalités vont bon train. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la plupart d’entre vous a entendu parlé de ce statut à travers les scandales des livreu·r·ses Deliveroo/Uber.
Mais commençons par le commencement : créer son autoentreprise comme son nom l’indique, c’est créer son entreprise individuelle. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une entreprise au sens physique car elle n’est pas reliée à un local (simplement à une adresse postale). Ici l’entreprise, c’est vous et vous allez pouvoir à travers ce statut, proposer vos services ou vos biens à des clients.
L’autoentreprise peut se cumuler à d’autres statuts, vous pouvez ainsi la créer tout en étant déjà étudiant·e, salarié·e ou retraité·e. Pour ma part, c’est mon seul statut, c’est à travers mon autoentreprise que je « gagne ma vie ».
Créer son autoentreprise, c’est gratuit, les démarches se font en ligne. Vous recevez ensuite tout un tas de paperasse (dont beaucoup d’arnaques… et oui désormais l’adresse postale que vous avez déclarée pour faire siéger votre entreprise est publique !) et un numéro SIRET vous est attribué. C’est grâce à ce numéro que vous allez pouvoir facturer vos clients légalement.
Évidemment, comme chaque statut, cela vous ouvre des droits… et des obligations.
Vous devez déclarer votre chiffre d’affaire mensuellement ou trimestriellement même si ce chiffre d’affaire est de 0€. C’est avec ce chiffre que seront calculées vos cotisations. Si vous êtes dans la prestation de service, comme moi, le taux est de 22%. Concrètement cela veut dire que si vous avez gagné 1000€ au mois de janvier, vous devez reverser 220€ aux URSSAF. Le taux varie selon votre secteur d’activité. Contrairement aux salarié·e·s, c’est à vous de payer vos cotisations.
En outre, vous devez créer un compte bancaire distinct, si votre chiffre d’affaire dépasse 10 000€ par an.
Quels sont les avantages de ce statut ?
S’il y a un avantage non négligeable, c’est la liberté qu’offre ce statut. Vous êtes d’une certaine manière votre propre patron·ne, vous gérez vos horaires, vos client·e·s… beaucoup plus qu’un·e salarié·e. Mais ne nous méprenons pas, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg.
Pour ma part, en tant que travailleuse handicapée, ce statut m’a permis de gagner une indépendance financière que j’aurais eu beaucoup de mal à trouver dans le monde plus « classique » du travail.
On peut y ajouter la dispense de TVA sous un certain seuil de CA (36 500€ pour la prestation de service), c’est l’un des principaux arguments en faveur de l’autoentreprise.
Quels sont les inconvénients de ce statut ?
Malheureusement, il y en a beaucoup ! Tout d’abord, comme tous les travailleurs et travailleuses indépendant·e·s, aucune garantie d’emploi. C’est à vous de dénicher vos client·e·s et de les garder. Il faut aussi trouver des client·e·s de confiance, qui vous payent (déjà) et qui vous payent à temps. En effet, vous ne facturez votre mission qu’à la fin de cette dernière. Cela implique parfois de longs délais avant d’être payé. Il faut apprendre à gérer sa comptabilité seul·e et efficacement!
L’autre point crucial c’est d’inclure vos cotisations quand vous facturez votre client·e, ce qu’i·el·s refusent parfois ! En effet, vos factures sont l’équivalent de votre salaire « brut », 22% de ce que vous gagnez va partir dans les cotisations. Pour les salarié·e·s, c’est généralement l’État ou le patron qui les prend en charge. Ici, vous devez penser à les inclure dans vos tarifs.
Je ne cesserai de le répéter, c’est un statut précaire.
- Vous n’avez pas de congés payés, c’est aussi à vous de réussir à les intégrer dans vos tarifs.
- Que vous gagnez 10 ou 10000€, vous aurez un taux de 22% de cotisation (ou 12,5% si vous êtes dans la vente)
- Vous n’avez aucun contrat de travail. Si un·e client·e ne veut plus de vous du jour au lendemain, c’est son droit.
- Vous devez gérer seul·e les factures, la compta…
- Chaque année vous devez payer la CFE (cotisation foncière aux entreprises) et ce peu importe ce que vous avez gagné dans l’année, ou presque (bien qu’à mon sens, ce soit en train de changer). Elle débute à 139€.
- Vous ne cotisez pas à Pôle Emploi. Ce qui veut dire que vous n’ouvrez aucun droit au chômage. Le jour où un gros client vous lâche, il faut avoir mis de côté pour pallier à des semaines, parfois des mois avant d’en retrouver un·e.
Voici un bref aperçu du statut d’autoentrepreneur. Pour en savoir plus dans les détails légaux, tout est très bien expliqué sur le site des URSSAF .
Je ne suis pas rentrée dans les détails des activités qui peuvent être concernées par l’autoentreprenariat tant elles peuvent être nombreuses et variées. Vous pouvez vendre des cupcakes, faire des coupes de cheveux à domicile, proposer vos services de jardinage… Il y a vraiment de tout.
Cependant le point qui me semble le plus important d’aborder pour finir cet article, c’est que ce statut permet le cumul d’emplois. Aux États-Unis, de nombreux et nombreuses enseignant·e·s sont obligé·e·s d’avoir un (ou deux) emploi en plus de leur principal pour joindre les deux bouts et bon nombre de personnes travaillent jusqu’à leur mort. À une période où la France tend à s’aligner sur le modèle économique catastrophique américain, pas étonnant que ce statut soit plébiscité.
1 Commentaire
« désormais l’adresse postale que vous avez déclarée pour faire siéger votre entreprise est publique ! »
C’est exactement ce que je trouve ignoble quand notre « entreprise » n’est que nous-même, que ce n’est pas une grosse boîte que les clients peuvent visiter.
Au tout début de Take Eat Easy, j’ai fait des livraisons test, pour lesquelles il me fallait ce statut pour être payée.
Alors que je ne suis pas allée plus loin ensuite et suis retournée dans du salariat classique, mon adresse est toujours visible sur le net, à qui veut la voir… Une grosse entreprise, c’est l’adresse de l’entreprise et non pas l’adresse personnelle qui est visible. C’est pour ça que dans le cas d’une entreprise dont les « locaux » sont le domicile personnel, ça ne devrait pas être légal de diffuser ces informations en ligne.
Et je ne parle pas seulement pour les arnaques que l’on reçoit (même si c’est suffisamment pesant de recevoir tout ça) mais vraiment du fait que si quelqu’un de mal intentionné sur le net nous en veut, il peut vite accéder à cette information et causer du mal dans la vie réelle, à notre domicile personnel.