« Les Thérapies Cognitives et Comportementales (TCC) sont des psychothérapies qui agissent par l’observation et la régulation des liens entre les pensées, les émotions et des comportements » (Maurer et al. p 229).
Elles sont aujourd’hui de plus en plus utilisées dans la pratique thérapeutique et tendent à remplacer peu à peu la psychanalyse dans la guérison des troubles phobiques. Les TCC bénéficient du plus grand nombre de validations scientifiques à ce jour et sont considérées comme les plus efficaces pour guérir les troubles anxieux. Nous verrons dans cet article ce qui les oppose à la psychanalyse, quelles sont les prétentions de ces thérapies et comment elles peuvent être mises en place notamment concernant la phobie sociale.
NDLR : bien que je conçois qu’il existe des troubles phobiques divers et variés, j’ai souhaité aborder les TCC à travers la peur de façon générale, ainsi j’utilise volontairement plusieurs termes pour la désigner : trouble panique, trouble phobique, trouble anxieux, phobie sociale…
TCC et psychanalyse
On pourrait facilement opposer les TCC à la psychanalyse tant leurs approches sont différentes. Ce qui fait la particularité des TCC c’est de travailler sur les symptômes plutôt que de discuter des causes de ces symptômes. Plus simplement, en TCC, on travaille sur l’ici et maintenant contrairement à la psychanalyse qui est focalisée sur l’analyse du passé.
L’opposition n’est pas illégitime bien que les deux techniques puissent être complémentaires. Les TCC se sont multipliées notamment lorsqu’on a constaté les nombreux échecs thérapeutiques des psychanalyses : absence d’amélioration, rechutes systématiques voire aggravation des symptômes. Rien n’est moins étonnant quand on réalise que la diminution des symptômes phobiques n’est pas le but en soi d’une psychanalyse. Or, il est important de réaliser que ce qui est le plus difficile à surmonter quand on souffre de troubles phobiques, ce sont les manifestations de ces peurs : attaques de panique, maux de ventre, migraines, tachycardie, sudation excessive… et j’en passe.
Cependant, il est important aussi de les replacer historiquement. La psychanalyse a pu avoir un rôle important à une époque où l’expression de ses souffrances et de ses émotions était bien plus difficile et rare. Aujourd’hui, la discussion et l’échange étant bien plus libérés, un·e thérapeute ne peut pas s’en remettre à eux seuls pour aider un·e patient·e qui souffre de troubles anxieux.
Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais leur jugement sur les choses.
Epictète
Ambitions et résultats
Les TCC prétendent aujourd’hui traiter de nombreux troubles qui vont des troubles phobiques aux troubles de la personnalité en passant par les troubles dépressifs. C’est dans le traitement des troubles phobiques qu’elles se sont montrées le plus efficace (en comparaison des autres formes de thérapies).
Compte tenu de leur fonctionnement très concret, les TCC sont les plus à même d’être évaluées scientifiquement, elles ont d’ailleurs fait preuve à ce jour du plus grand nombre de validation scientifique (André, p.154-155)
Les TCC sont en constante évolution au niveau des techniques utilisées et se fondent sur les connaissances scientifiques les plus récentes en psychologie, biologie et neurosciences.
En outre, les stratégies utilisées durant le temps de la thérapie sont réutilisables en cas de risque de rechute ce qui permet au·à la patient·e plus d’autonomie vis à vis de son·sa thérapeute.
Techniques
L’ambition des TCC est de faire rompre le·la patient·e avec les évitements qu’engendre les troubles phobiques et ce en mettant en place des exercices d’exposition et de restructuration cognitive.
Il faut bien réaliser que ce que propose les TCC n’a rien de révolutionnaire. “affronter ses peurs” ; “ne pas fuir” ; “se raisonner” : cela semble découler du simple “bon sens”, mais si vous êtes concerné·e, vous serez d’accord avec l’idée que c’est bien plus facile à dire… qu’à faire.
En TCC, ces maximes évidentes prennent une autre perspective car il s’agit de les mettre concrètement en place et non simplement de les méditer.
Il s’agit en fait de reprendre le contrôle. Apprendre petit à petit, à l’aide d’outils, à diminuer les évitements (ne plus prendre le bus, ne plus aller voir des concerts, ne plus aller au restaurant) en se réexposant petit à petit et en rationalisant les pensées automatiques sources d’angoisse et déclencheuses des symptômes si douloureux évoqués plus haut.
Mais comment faire ?
Les TCC proposent de nombreux outils thérapeutiques (affirmation de soi, relaxation…), nous verrons ici les plus courants (exposition et rationalisation) en nous concentrant sur l’exemple de la phobie sociale.
Rationalisation (restructuration cognitive)
En TCC, on travaille avec un cahier, qui va nous suivre durant toute la durée de la thérapie. Tout se déroule de façon pragmatique. On commence par noter tout ce qui nous fait peur (la liste peut être très longue et ça prendra le temps qu’il faudra). Toutes ces situations anxieuses sont ensuite évaluées en fonction de leur intensité.
Exemple : prendre le bus (3/10) aller au travail (9/10)
Au sein de chacune de ses situations, il s’agira d’écrire tout ce qui est problématique, tout ce qui fait peur, aussi nombreuses soient les situations qui en découlent. Il est important de réaliser que le but de tout le travail de restructuration cognitive est d’être exhaustif afin ensuite de pouvoir s’attaquer efficacement à l’exposition.
Si on prend l’exemple de la situation “prendre le bus”, il s’agira de noter toutes les pensées automatiques qui nous viennent avant de le prendre et pendant qu’on le prend.
Exemple : il va y avoir énormément de monde, les gens vont me regarder, je vais déranger, je vais faire une crise de panique etc…
On pourra également noter les comportements de sécurité (stratégies de fuite mentale) que l’anxiété entraîne.
Exemple : avoir les yeux rivés sur mon portable, se placer près des portes du bus
Cela vous paraît long et fastidieux ? Ce n’est que le début ! En TCC, il s’agit de déconstruire chaque pensée automatique irrationnelle et la transformer en pensée alternative. Pour ce faire, il existe plusieurs outils que je ne vais pas détailler ici sinon cet article ne se terminera jamais.
Exemple : pensée automatique “les gens vont me regarder”
pensée alternative “les gens sont concentrés sur ce qu’ils font”
Voilà un (très) rapide aperçu de ce que peut être le travail de rationalisation. Le·la patient·e a des exercices à réaliser d’une semaine sur l’autre et le·la thérapeute doit servir de guide notamment quand la mauvaise foi du phobique reprend le dessus (“les gens me regardent parce que… je le sais”). On voit ainsi que l’échange reste très présent dans les thérapies cognitives et comportementales et que la relation doit impérativement se faire sur un mode empathique et bienveillant.
Car bien évidemment il ne s’agit surtout pas de pointer du doigt les peurs du patient en disant qu’elles sont idiotes mais de l’aider à le faire analyser ses scénarios catastrophes.
Exposition
Cette technique consiste à proposer au patient d’affronter une série de situations phobogènes d’intensité croissante, sans chercher, du moins au début à se sentir détendu durant l’exposition, mais simplement en restant face à ce qu’il redoute, jusqu’à ce que la peur décroisse d’au moins 50% (André, p.156)
Pour comprendre l’outil de l’exposition, il faut réaliser que le problème est chimique et qu’en évitant à chaque fois la situation anxiogène on apprend au cerveau qu’il n’a pas tort de produire de l’angoisse et ainsi, on augmente la chance d’être encore plus angoissé·e la fois suivante. Cela paraît évident quand on le lit mais toute personne ayant souffert de troubles paniques, d’agoraphobie ou de phobie sociale comprendra encore une fois que c’est plus facile à dire… qu’à faire.
Une grande étape consistera à accepter sa peur lors des expositions qu’elles soient réelles (sur le terrain) ou mentales (le·la thérapeute à l’aide de la parole replace le·la patient·e dans une situation anxiogène). Le·la patient·e doit être amené·e à réaliser que l’angoisse ne va pas le·la tuer et même qu’elle va petit à petit redescendre après avoir atteint son pic. La règle de progressivité est essentielle d’où l’intérêt pour ce travail d’être suivi par un spécialiste qui sera à même de juger où sont les limites et saura comment instaurer cette progressivité en prenant bien en compte l’intensité du stress que cela provoque pour le·la patient·e
Il faut voir les expositions comme une désensibilisation progressive, comme cela peut exister pour les personnes allergiques. Ce travail comportemental doit impérativement être réalisé conjointement au travail cognitif vu précédemment.
Pour des personnes qui souffrent de troubles anxieux depuis de nombreuses années et ont accumulé les évitements, il faut bien prendre conscience que le travail peut être long mais contrairement (souvent) aux thérapies psychanalytiques, des effets concrets peuvent être constatés très rapidement. Quantifier les progrès et les résultats font d’ailleurs partie intégrante du cadre thérapeutique.
Conclusion
Les thérapies cognitives et comportementales se proposent de s’attaquer concrètement aux symptômes dont souffre le·la patient·e. Bien qu’au départ destinées principalement à guérir les troubles anxieux, elles ont aujourd’hui un champ d’application beaucoup plus large. En se focalisant sur l’émotionnel et en faisant du·de le·la patient·e un act·eur·rice du processus de guérison, elles ont su se démarquer de toutes les autres formes de thérapie et notamment par leurs résultats sans égal. Tout compte fait, les TCC ont réussi là où les autres ont échoué, à intégrer la demande prioritaire des patient·e·s : celle de la diminution et/ou de la disparition des symptômes dus à leurs phobies.
Sources
D. Maurer, F. Thibault, B. Granger, « Thérapies cognitives et comportementales (TCC) » in M. Vinot-Coubetergues et E. Marc (dir.), Les fondements des psychothérapies. De Socrate aux neurosciences, Dunod, 2014.
C. André, Psychologie de la peur. Craintes angoisses et phobies, Odile Jacob, 2005.
V. Trybou, Dr E. Hantouche, Méthodes anti-phobies sociales, éditions Josette Lyon, 2009.