La phobie scolaire, c’est quoi ?
Tout le monde (ou presque) a déjà entendu ce terme et pourtant force est de constater que rares sont celles et ceux qui sont capables de la définir avec justesse.
Selon l’Association Phobie Scolaire1 « La phobie scolaire correspond à la situation de jeunes qui n’arrivent pas à aller à l’école pour des raisons irrationnelles. C’est un symptôme correspondant à des causes extrêmement diverses. Pour clarifier, il ne s’agit pas d’un manque d’intérêt pour l’école et pour indiquer la cause (des anxiétés) le terme de « refus scolaire anxieux » est souvent utilisé. »
Cette définition, très générale, touche juste : la phobie scolaire est une catégorie qui réunit presque autant de cas que d’individus qui en souffrent. Cependant, nous restons peu avancé.e.s sur le sujet. Comme indiqué, le terme « phobie scolaire » est parfois remplacé par celui de « refus scolaire » tant l’idée de ne pas réussir à aller à l’école est associé à la volonté de ne pas y aller. Ce propos est culpabilisant : l’école n’est pas l’objet d’un refus mais d’une peur. La majorité des concerné-e-s voudraient aller à l’école mais iels n’y arrivent tout simplement pas. Le refus n’est que la conséquence, pas la cause !
Alors, quelles sont les causes de ces anxiétés qui naissent parfois du jour au lendemain ? Est-ce vraiment l’école le problème ou joue-t-elle simplement le rôle du lieu où vont s’exprimer et se cristalliser les angoisses ? Les réponses à ces questions sont éminemment complexes et je n’aurais pas la prétention de pouvoir y répondre. Cependant, il me paraît très important de pointer du doigt le manque cruel d’études sur le sujet. Alors qu’on estime que 1 à 5 % des enfants scolarisés dans les pays occidentaux souffrent de phobie scolaire², le silence qui entoure le sujet et l’inexistence de structures adaptées pour répondre à la souffrance des concerné-e-s sont eux évidents.
L’absence de réelles études sur le sujet de la phobie scolaire peut s’expliquer de plusieurs façons. Tout d’abord, c’est un phénomène qui a été reconnu publiquement assez récemment notamment – comme souvent – grâce à la mise en place d’associations de parents (l’Association Phobie Scolaire reconnue aujourd’hui d’intérêt général) qui ont alerté les pouvoirs publics. Il est difficile à évaluer car il se présente sous de nombreuses formes (arrêt total ou partiel de l’école, sur de plus ou moins longues durées, parfois aucun arrêt etc…) . Par ailleurs, et c’est peut-être le plus important, il y a un silence qui entoure la phobie scolaire lié probablement au tabou de l’absentéisme scolaire et à la honte qu’engendre le fait de ne pas rentrer dans les codes sociaux majoritaires.
Alors qui en parle ? Les parents, principalement. Ils restent bien sûr les premiers impliqués après les phobiques elle/eux-mêmes, au moins jusqu’à leurs 16 ans, où ils se doivent de répondre à l’instruction obligatoire. Si on consulte le groupe facebook3 créé par l’association « phobie scolaire », la quasi intégralité des messages sont écrits par les parents. Le nombre de concerné-e-s directement (les phobiques) est visiblement minoritaire et surtout ne s’exprime pas. En témoignent les commentaires4 de deux mères qui apparaissent très significatifs : « Mon fils a 14 ans et lui n’est pas dans le groupe sinon je ne pourrais écrire comme je veux car il déteste que je parle de ses difficultés » ou encore « Mon ado n’est pas sur le groupe. Ce serait effectivement difficile de dire certaines choses. »
Sans mettre de côté les difficultés que doivent traverser les parents de phobiques, je pense qu’il est important pour aborder le sujet de la phobie scolaire de mettre l’accent sur le vécu des phobiques directement et donc de leur donner la parole.
J’ai réalisé (dans le cadre d’un projet) l’année dernière durant mes études un questionnaire à l’attention des personnes atteintes de phobie scolaire mais également des individus ayant souffert de phobie scolaire dans le passé. Je voudrais reprendre un peu quelques résultats de ce questionnaire.
L’idée n’était évidemment pas d’avoir un échantillon représentatif pouvant se rapporter à une population-mère (manque de temps et de moyens) mais de questionner les concerné-e-s, j‘avais choisi volontairement de me restreindre à 24 questionnaires.
Sur les 24 qui avaient répondu aux questionnaires, 13 souffraient actuellement de phobie scolaire et 11 n’en souffraient plus. Cela peut paraître surprenant que des personnes n’étant plus vraiment concernées par le sujet se manifestent pour répondre au questionnaire. Pourtant ils/elles représentent quasiment la moitié des répondants ! Malgré le fait que la phobie scolaire soit derrière eux/elles, leur sensibilité à la question semble rester intacte ainsi que le désir que la lutte pour la reconnaissance de cette souffrance continue et s’intensifie.
Sur les 24 interrogé-e-s, 13 n’avaient jamais été en contact avec quelqu’un d’autre qui souffrait de phobie scolaire. Quant aux 9 autres, 5 d’entre elles/eux l’avait été grâce à internet. Ce qui confirme (à mon sens) la place centrale qu’occupe internet dans l’enjeu de la mise en relation des groupes marginalisés.
Autre chose (pas vraiment surprenante), une unanimité concernant l’absence de dialogue sur le sujet de la phobie scolaire que ce soit dans les médias ou le cadre scolaire. (100 % des enquêté-e-s considéraient que la phobie scolaire n’est pas un sujet facilement évoqué que ce soit à travers les médias, dans la famille ou dans le groupe d’ami-e-s)
Pour conclure, quasiment l’intégralité des répondants (95,8%) considéraient la phobie scolaire comme excluante socialement et 87,5% des répondants ont souffert de cette exclusion.
On peut facilement reprocher à l’enquête de se reposer sur un échantillon minuscule ; il en résulte cependant des tendances intéressantes sur lesquelles s’appuyer dans le futur, dans la lutte contre la phobie scolaire et son étude. On peut notamment souligner le sentiment d’exclusion dû à un silence autour du sujet mais également à la difficulté à être tout simplement incapable de répondre au moule donné (horaires stricts, rester assis-e de 8h à 18h, travailler en groupe…).
Concernant le fait qu’on passe sous silence le problème de la phobie scolaire, il va de soi que c’est le plus grave. Quand on voit que les cas de phobie scolaire sont de plus en plus nombreux, il apparaît hallucinant que le problème n’ait pas été mis au jour. Mais pourquoi de plus en plus d’enfants n’arrivent plus à supporter l’école et ce qui en découle (finalement une forme de privation de liberté) ? À une époque où la demande de pédagogies alternatives se fait pressante (et prend vie d’ailleurs comme en témoigne l’augmentation des structures Montessori, Frenet, Steiner…), on peut se demander si l’école arrive vraiment à jouer son rôle de socialisation et d’intégration dans un cadre épanouissant.
Pour aller plus loin : Psychologie de la peur de Christophe André
1http://www.phobiescolaire.org/