Francis, Francis, Francis (ton de dépit, de rage et d’exaspération surtout) … Si je le pouvais, je couperais les cordes de ta guitare et de ton piano (et oui l’artiste a plus d’une corde à son arc), ou bien te ferais manger tes instruments, ou non, mieux, je te les casserais sur la tête ! Vraiment, je ne te remercie pas. Me lever dans un tel état de violence est certainement très mauvais pour mon karma.
Voyez-vous, comme on ne compte plus les cheveux gris sur la tête de ce bon Francis, monsieur est considéré comme une personne à risque. Et en homme raisonnable, il reste bien chez lui. Une très bonne chose du point de vue sanitaire, je ne peux qu’agréer.
En revanche, Francis ne recevant plus la visite de sa mystérieuse dulcinée, il pratique quelques fois (mais assez rarement il faut l’admettre) l’exercice de son plaisir seul. Enfin, pas tout à fait seul puisque nous pouvons en percevoir, bien malgré nous, les évolutions sonores.
Non mais de toute façon, Francis profite surtout de ce confinement pour s’adonner à son violon d’Ingres (non il ne joue pas de violon) : la musique. Étant donné qu’il peut maintenant entièrement se consacrer à cette exaltation artistique des sens, vous vous imaginez peut-être que notre vie est devenue un enfer musical. Que nenni. Francis garde ses vieilles habitudes (il ne faudrait pas perdre le rythme) de ne jouer que très tôt le matin et tard le soir. C’est bien aimable à lui, comme ça nous ne sommes pas trop désorienté·e·s, juste ultra véner au lever et au coucher. C’est tout à fait formidable.
Dans un élan d’empathie, vous vous dîtes, et moi aussi, que cette passion a quelque chose de touchant, presque romantique et que surtout c’est une bonne chose que Francis ne souffre pas de l’ennui dans son confinement solitaire. Il n’empêche, ce matin je rêve de lui faire bouffer sa guitare.
Parce que non, jouer comme un pied de la country avant huit heures n’est pas une bonne conduite de voisinage, confinement ou pas. Et le week-end, c’est une idée de prendre en considération le sommeil un peu prolongé de ses voisin·e·s et ne pas les réveiller à base d’une horrible boîte rythmique qui fait « boum boum boum boum » (avec un air de bongo) de plus en plus fort parce que Môssieur ne parvient pas à la régler correctement. Avouez, Francis dépasse un peu les bornes.
Pour revenir à cette histoire de country, notre cher voisin profite de ce temps de retraite spirituelle pour s’essayer à de nouveaux genres musicaux. Ô joie. Peut-être est-ce le petit garçon fan de western qui s’exprime dans ce choix impromptu. Il n’empêche qu’il lui reste « a long way » avant d’arriver à quelque chose de potable. Avec Francis, c’est la country, les cowboy et la réussite en moins. Autre drôlerie de ce sacripant, reprendre « La Marseillaise » en blues. Un créatif incompris.
Je me demande ce qu’il peut bien bidouiller entre deux répétitions. D’après l’œil de lynx de Loupche, il n’est sorti que très rarement pour faire des courses. Nous supposons qu’il a un stock énorme de pâtes sèches et qu’il se nourrit indifféremment de coquillettes, de farfalle et de penne. Je ne l’imagine pas très créatif en cuisine ou un peu à l’image de ses talents musicaux. Mais je suis un peu biaisée me dira-t-on (et à juste titre). Il faut tout de même préciser que d’ordinaire, Francis use et abuse des services de livraison de plats à domicile. Ce qu’il ne fait plus depuis le début du confinement et qui est tout à son honneur.
Si cela peut vous rassurer, Francis n’est pas complètement isolé. Nous l’entendons fréquemment discuter et supposons que c’est au téléphone ou sur skype plutôt qu’avec une amante imaginaire. Il n’est pas déprimé non plus, puisque nous entendons aussi de temps en temps son rire aigu de lutin des bois. Francis a l’air d’aller bien. Mes oreilles un peu moins.