Laissez-moi vous présenter un scénario que chaque végétarien.ne et chaque vegan de mon entourage, et probablement du votre également, a déjà vécu. Vous êtes à une soirée, ou à un dîner en famille, et une fois votre régime végé annoncé à celles et ceux qui l’ignoraient, vous vous retrouvez confronté.e à un argument qui se veut être imparable : « Moi je suis flexitarien, je ne mange de la viande plus que deux fois par semaine ! » ou bien : « Moi je suis flexitarienne, je ne mange que de la viande de qualité ! ». Malaise.
« Je suis flexitarien.ne » : autopsie d’une déclaration
Tout d’abord, sachez que le mot « flexitarisme » est un néologisme qui est apparu aux alentours des années 2000 aux Etats-Unis, et qui n’a fait son entrée dans le vocabulaire français que dans les années 2010, puis dans le dictionnaire Robert en 2018. Qu’on se le dise donc clairement : « flexitarisme » est un bébé-mot, et sa pratique est une tendance extrêmement récente qui se développe (malheureusement) un peu plus chaque jour. Il ne faut pas être un.e étymologiste de génie pour deviner que la genèse de ce mot s’est faite en réaction à la popularité grandissante de végétarisme et du véganisme. Et oui, tout comme le mot « misandrie » est né à la fin du XIXème siècle pour justifier la méfiance des hommes envers le mouvement féministe, le flexitarisme est une réponse directe de la part de celles et ceux ne souhaitant pas sortir de leur zone de confort au nom d’un engagement politique. J’exclus ici celles et ceux passant par la case « flexitarisme » pour transitionner vers un régime végétal : si cette transition s’opère réellement, alors je considère que l’existence de cette catégorie est plus légitime. Mais ils et elles ne représentent absolument pas la majorité de celles et ceux se vantant de flexitarisme : en effet, votre cousin Jean-Christophe qui se vante de « réduire sa consommation de viande » devant vous le fait probablement pour ne pas se sentir mis à l’écart par votre engagement ou « inférieur » sur le plan moral. Alors, pour se défendre de ne rien faire, les pratiquant.e.s de cette tendance insensée ont choisi de se regrouper sus la vaste bannière du flexitarisme.
Entre nous, le fait que vos interlocuteurs et interlocutrices cherchent absolument à se justifier veut tout dire sur la justesse morale d’un régime végétal. M’enfin, passons.
Le flexitarisme : et l’illogisme fut
Et oui, je trouve que le flexitarisme manque cruellement de sens. Lorsqu’on s’interroge sur cette pratique, et surtout sur ce qui pousse celles et ceux y adhérant à l’annoncer fièrement, on se retrouve régulièrement face à un grand nombre d’informations ne collant pas les unes avec les autres. Premièrement, qualifier le flexitarisme de « régime alimentaire » est complètement insensé : il ne s’agit pas d’un régime à part entière puisque ses pratiquant.e.s ne changent rien à leur régime en soi, mais modifient dans le meilleur des cas certaines proportions.
Les sites internet pullulent sur le sujet, et parviennent à créer du contenu à partir d’un vide intersidéral. Prenons l’exemple des recettes flexitariennes : il s’agit de quoi au juste ? De recettes parfois avec de la viande, parfois sans ? Des recettes omnivores normales, donc ? « Extremiste ! » me dirait-on. Vous m’excuserez, mais quelqu’un qui mange parfois de la viande et parfois pas est en fait une personne qui a un régime omnivore… Non ?
Et oui, conclusion choc, le flexitarisme est en fait un vaste produit marketing destiné à déculpabiliser une partie de la population tout en protégeant férocement les lobbys agro-alimentaires qui souhaitent continuer à vendre de la viande. Vous connaissez le site Naturellement Flexitariens ? Il appartient à l’Interbev, Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes. Comble de l’absurdité : cette association a tenu un stand flexitarien au salon de l’Agriculture. Leurs animaux sont donc tués comme tous les autres, mais de manière « flexitarienne », apparemment !
Loin d’être un mouvement mis en place par des associations souhaitant végétaliser au maximum l’alimentation des français.es pour tendre à une consommation progressivement végétarienne voire végan, le flexitarisme est un tour de passe-passe malin permettant de lutter contre la prise de conscience progressive qui s’opère contre l’élevage ou la pêche intensive tout en s’assurant de conserver une clientèle fidèle.
Leur tactique marketing est agressive – une pub pour le site Naturellement Flexitariens passe régulièrement dans certains cinémas – et si transparente qu’on en vient se demander quelle personne sensée peut croire en cette vaste fumerie.
Le souci c’est qu’au-delà de l’aspect incongru de cette tendance, elle véhicule également des idées complètement fausses. Prenons le fameux site « Naturellement Flexitarien » par exemple, qui préconise de manger de la viande à chaque repas. Non seulement cette proportion soi-disant requise est fausse, mais en plus cette préconisation nie complètement l’idée principale du flexitarisme puisqu’elle pousse ses pratiquant.e.s à consommer de la viande à chaque repas.
Un des enjeux principaux du végétarisme ou de veganisme est d’éliminer l’exploitation animale en en boycottant les produits – viande, poisson, lait… – et donc en diminuant la rentabilité de ces pratiques pour les entreprises. En arrêtant de consommer ces produits nous essayons donc de tendre vers une diminution de l’offre de produits carnés, et donc une diminution de l’exploitation, pour la remplacer par une offre en produits simili-carnés ou végétaux. L’objectif étant de tendre vers une disparition totale de ces pratiques. Cette évolution ne peut s’opérer que si la baisse de consommation se fait de manière très conséquente : une chose que le régime flexitarien n’atteindra jamais.
Je me suis régulièrement entendue dire à mon entourage omnivore que s’il, ou elle, avait pris conscience de sa consommation de viande et s’il ou elle avait un recul critique face à l’industrie de l’exploitation animale alors c’était déjà très bien. Et dans les faits, il est certain qu’il vaut mieux qu’un consommateur ou qu’une consommatrice réduise sa demande en produits carnés plutôt que celle-ci ne varie absolument pas. Cependant, je reste intimement persuadée que tant que notre changement de consommation ne sera pas drastique et que nous ne serons pas prêt.e.s à sacrifier un certain confort ou certains plaisirs, la planète continuera de galoper vers sa fin très proche, et ce n’est pas en se voilant la face ou en invoquant la fameuse phrase « Je suis libre de consommer ce que je veux » que nous la sauverons. Et puis, rappelons-le, la viande est un animal mort. Le poisson est un animal mort. N’en manger « que » quelques fois par semaine ne change rien au fait que des animaux sentients aient été massacrés pour le bonheur de vos papilles. Et ça, le flexitarisme ne peut rien y faire !
4 Commentaires
Mince, j’étais justement de ceux qui se proclament flexitariens :/ En réalité, ce que tu dis est très juste si l’on considère le végétarisme d’un point de vue éthique. Mais dans le cas où l’on essaye juste d’agir sur son emprunte écologique, le simple fait de diviser par deux ou trois sa consommation a déjà un impact important, et si tout le monde pouvait en arriver là ce serait un grand soulagement pour la planète… Après dans ce cas je suis d’accord, ce n’est pas un nouveau régime alimentaire mais juste une nouvelle façon de consommer. L’important est de savoir pourquoi on fait les choses et d’être honnête envers les autres et surtout envers soi-même non?
Je suis tout à fait d’accord avec ton commentaire : cet article occulte complètement le côté environnemental. Ma réduction drastique de produits carnés et laitiers a été motivée par une vraie prise de conscience écologique.
1 steak = 1 animal entier tué = une industrie derrière qui ne se contente pas d’en tuer qu’un (et un petit élevage c’est la même, mais en moins gros, tout simplement).
Celia, le végétarisme ne peut réellement être considéré comme éthique puisque des personnes non humaines sont toujours exploitées et tuées pour un simple plaisir gustatif (car oui, les oeufs, le lait et le miel tue aussi)… Le veganisme serait déjà plus éthique, mais même là, faut continuer à accepter qu’on grandi ensemble et qu’on s’enrichit ensemble pour une évolution d’un meilleur futur, car malgré le fait d’être vegan.e, si la personne humaine n’est pas sensibilisée aussi au zéro déchet ou à la provenance des produits, etc… cela peut ne pas être pleinement éthique. La perfection ne s’atteint pas mais devenir jour après jour la meilleure partie de soi-même et ainsi montrer l’exemple qu’on peut toujours apprendre et faire de mieux en mieux serait déjà la première étape…
Après pour toi Celia mais aussi pour Elisabeth, l’article est bien plus orienté sur la notion du spécisme que sur l’écologie, après, bien sûr que l’écologie est important, bien sur aussi que réduire son empreinte carbone est important mais le méthane des ruminant.e.s continuent de polluer, puisque sans vaches, pas de lait, mais aussi : sans bébé, pas de lait non plus, car c’est une espèce mammifère tout comme nous l’espèce humaine, hors le mâle, né suite à une pénétration forcée appelée « Insémination artificielle », est tué en moyenne entre 6 à 8 mois, du coup, être seulement une personne végétarienne n’est pas optimale, c’est une simple transition, et donc, si on veut être en accord entre l’écologie et le bien être animal, être vegan.e, zéro déchet et déjà le minimum à se fixer comme objectif…
Du coup, si vous me lisez car vos commentaires datent d’un moment tout de même (et peut-être même que depuis le temps vos réflexions ont évoluées aussi), mais si vous êtes des personnes flexitariennes/végétariennes voir même végétalienne, qu’est-ce qui vous empêcherez de devenir des personnes veganes et antispécistes ???