Sans même que nous nous en rendions compte, nos phrases sont truffées d’expressions, et pourtant nous les utilisons souvent sans même savoir d’où elles viennent ! Elles en disent long sur l’histoire de la langue française… Voici l’explication de quelques-unes d’entre elles.
Nos amies les bêtes ont le beau rôle dans la langue française. Globalement, les expressions comportant un nom d’animal représentent un peu plus de 70% de celles qu’on utilise ! Chose guère étonnante puisqu’ils font partie intégrante de notre culture et de l’organisation de notre société. En effet, il y a une importante corrélation entre le langage et la réalité de l’époque ; nos tournures de phrases, l’apparition ou la disparition de vocabulaire, et même certaines règles de grammaire varient en fonction de la société et la culture dans lesquelles le langage est utilisé (souvenez-vous, j’abordais déjà ce sujet lorsque je vous parlais de l’écriture inclusive). Ainsi, moutons, chèvres, cochons apparaissent peu à peu dans les expressions françaises antérieurement au 19ème siècle, au moment où l’élevage de petit bétail était toujours très courant dans les foyers. Mais à partir du 19ème siècle, la dichotomie ville-campagne se marque de plus en plus et chiens, chats, chevaux deviennent majoritaires dans l’apparition de nouvelles expressions !
De même, il est intéressant de constater l’évolution de la représentation linguistique qui est faite d’un même animal au fil des siècles. Prenons par exemple le chat : au Moyen-Age, le chat était un animal auquel on prêtait de nombreuses propriétés magiques et qui était associé à la sorcellerie voire au Diable. En plus, une puissante connotation sexuelle entourait cet animal mystérieux et langoureux… Quelques siècles plus tard, alors que la domestication du chat se faisait de plus en plus courante, notre félin préféré abandonne son aura 100% négative pour gagner une réputation d’être malin, joueur, et aimant, si bien que certaines expressions françaises reflétèrent ce changement !
Ainsi, l’expression « avoir un chat dans la gorge » apparaît au 12ème siècle environ. Mais peu de gens savent que cette expression a une origine sulfureuse ! En fait, le « chat » était alors un euphémisme sexuel… « Avoir un chat dans la gorge » signifie avoir une texture gélatineuse dans la gorge (on peut ici noter qu’il s’agit en plus d’un jeu de mot entre les homonymes maton et maton en ancien français, l’un signifiant « chat » et l’autre « grumeaux »). Et cette texture gélatineuse était associée… au sperme.
C’est également pourquoi on dit « Appeler un chat un chat », c’est-à-dire arrêter de tourner autour du pot avec quantité d’euphémismes, et appeler les choses par leurs vrais noms !
Plus tard, apparaît « Donner sa langue au chat », c’est-à-dire rester silencieux et attendre qu’un autre, plus sage, vienne apporter la réponse à son problème. Et ce sage n’est d’autre que notre ami le chat !
D’autres exemples d’expressions avec des animaux :
Etre ami.e.s (ou camarades, copains..) comme cochons, a pour origine un quiproquo étymologique. Le mot soçon (ancien français), venant du latin « socius », signifiait camarade ou associé. Il a lentement glissé vers « chochon », puis « cochon » ! Ainsi, être « copains comme cochons » voudrait dire « être copains comme camarades », ce qui est nettement moins imagé.
L’expression Avoir vu le loup (qui désigne aujourd’hui le premier acte sexuel d’une femme) vient, quant à elle, d’un mélange entre l’histoire de la chasse et des contes. En effet, la chasse au loup était considérée aux 15ème-16ème siècles comme un rite de passage pour les garçons, qui devenaient « homme » après avoir chassé le loup pour la première fois. Puis, l’apparition de la thématique du loup chassant les jeunes filles dans les contes faisant son apparition dans la culture littéraire (via des contes tel que le très connu « Petit Chaperon Rouge ») , « Voir le loup » devint le fait de devenir femme, et par extension de vivre ses premières expériences sexuelles.
[N.B : Le loup remplace le chat à partir du 15ème siècle dans son rôle « d’animal sexualisé » et de nombreuses expressions, aujourd’hui désuettes, utilisent le loup comme sous-entendu sexuel]
Etre coiffé.e.s sur le poteau (se faire arracher la victoire de peu) a pour racine étymologique les courses de chevaux. « Le poteau » désigne ici le poteau marquant l’arrivée des courses de chevaux, et les crins des chevaux sont « coiffés » par la vitesse du gagnant !
La poule a toujours été associée à l’idée de la peur, et de la lâcheté. Etre une poule mouillée est une contraction entre « être une poule », et donc être peureux, et « mollir » qui signifiait à l’époque « rendre efféminé », la femme étant alors associée avec ce qui était humide et mou. Etre une poule mouillée veut donc dire être un lâche mais, en plus, un lâche efféminé ! Et oui, nos expressions sont souvent très misogynes !
Est-ce qu’il y a des expressions dont tu aimerais conaître l’origine? N’hésite pas à demander en envoyant un mail à contact@berthine.fr ou en commentant ci-dessous et je l’intégrerai dans le volet 2 de cet article!