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Mineur Non Accompagné #1 : De qui et de quoi parle-t-on ?

Posté par Ju le Zébu 14 septembre 2018

Le contexte de crise migratoire dans lequel nous vivons comprend un nombre de réalités humaines qui nous échappent, pire, qui nous semblent complètement abstraites présentées par des chiffres et des déclarations.

Les situations des personnes qui arrivent sur le sol européen, puis sur le territoire français sont extrêmement hétérogènes. Et si toutes dépendent alors du droit des étrangers, il est une exception faite pour les mineurs isolés étrangers. Les migrants mineurs n’ont aucun statut juridique. Aujourd’hui désignés sous le terme de « Mineur Non Accompagné » (MNA), ils devraient avant tout dépendre du droit des enfants, afin d’être protégés, sans distinction de nationalité.

Les institutions montrent cependant des insuffisances grandissantes qui entraînent des conditions de vie extrêmement précaires pour ces jeunes qui se retrouvent trop souvent à la rue, sans ressource.

Qui désigne-t-on par cette appellation ?

La désignation de MNA dépend de trois points : il doit s’agir d’une personne d’origine étrangère, de moins de 18 ans et en situation d’isolement. Autrement dit, dont : « aucune personne majeure n’est responsable sur le territoire national ou ne prend effectivement en charge et ne montre de volonté de se voir durablement confier l’enfant »1.

Il s’agit aujourd’hui majoritairement de garçons, pour la plupart originaires d’Afrique, âgés de 15 à 18 ans. Leurs situations sont cependant extrêmement variées. Certains gardent un lien avec leur famille alors que d’autres en sont complètement coupés. Les raisons de leur départ et leurs parcours d’une part mais aussi leur statut juridique (bien que leur minorité prime lorsqu’elle est reconnue) auront une incidence lorsqu’ils seront majeurs. Pourront-ils bénéficier de l’asile, faire une demande de titre de séjour ou seront-ils renvoyés du territoire français ?

Évaluation de la situation et prise en charge

Déterminer  la minorité ou non d’une personne est un enjeu important, surtout si elle est en situation irrégulière.

La protection de l’enfance est organisée au niveau départemental. C’est officiellement le président du conseil départemental qui a la responsabilité de cette évaluation de la minorité et de la situation d’isolement. Cette mission est déléguée aux établissements publics sociaux et dans le cas présent à l’Aide à l’Enfance généralement.

Le temps de l’évaluation, le jeune doit pouvoir bénéficier d’un accueil provisoire d’urgence (APU) afin d’être mis en sécurité. Celui-ci devrait durer 5 jours et se prolonger si l’évaluation n’a pas aboutie passé ce délai. En réalité, face à la saturation des services, les jeunes sont souvent envoyés pour quelques jours dans des hôtels encombrés, puis renvoyés, à la rue, jusqu’au rendu de la décision. Ce laps de temps est indéterminé et varie d’un département à l’autre. Il peut prendre quelques semaines à plusieurs mois.

Pour déterminer de la minorité, on se base sur les papiers d’identité du jeune s’il en a (on cherche aussi à prouver leur authenticité) et sur une évaluation fondée sur l’apparence physique et le comportement (constituée d’une suite d’entretiens). Ce mode d’évaluation présente de nombreuses difficultés et repose pour une très grande part sur la subjectivité de l’évaluateur. L’évaluation est d’autant plus délicate lorsque le jeune approche de la majorité (qu’est-ce qui distingue un jeune de 17, 18 ou 19 ans?). Les motifs de disqualification de la minorité ne sont par ailleurs pas toujours logiques. Le caractère incohérent des paroles du jeune, par exemple, peut être un motif de disqualification sans lien apparent avec l’âge.

Des examens radiologiques osseux ont lieu en cas de doute persistant et uniquement sur décision d’une autorité judiciaire. Ces techniques sont cependant très controversées, jugées peu fiables et dénoncées par une partie du corps médical. L’usage de ces tests est d’ailleurs trop fréquents alors qu’il devrait s’agir d’un dernier recours. Certaines associations dénoncent là une manière de limiter l’accès à l’aide sociale à l’enfance.

Car si la minorité est reconnue, c’est l’aide sociale à l’enfance (ASE), qui prend l’enfant en charge. Il pourra alors bénéficier d’un accompagnement avec un éducateur spécialisé, de la couverture maladie universelle (CMU), d’une scolarisation s’il a moins de 16 ans ou d’une formation (généralement professionnelle).

Si la minorité n’est pas reconnue et qu’un recours au juge des enfants est possible, le jeune se retrouve de nouveau dans son statut de vide juridique et n’est pas pris en charge jusqu’au rendu de la nouvelle décision. Ce recours peut durer plusieurs mois. Durant ce laps de temps, le jeune peut par exemple atteindre sa majorité et ne sera donc pas pris en charge lors du jugement quoi qu’il arrive. Il répondra alors du droit des étrangers et selon sa situation pourra être expulsé.

Le phénomène des mineurs étrangers isolés est apparu dans les années 1990. Il s’accentue depuis les années 2000 et a complètement explosé avec la crise migratoire récente. En 2010, 4 000 jeunes étaient pris en charge contre 18 000 en 2017. Et il ne s’agit là que des jeunes accompagnés.

Les moyens mis en place ne suffisent évidemment plus et n’augmentent pas. Les raisons financières sont indéniables. Les départements manquent de moyens et la participation de l’État reste insuffisante. C’est à se demander qui est aujourd’hui véritablement dans le délit de solidarité…

En attendant, ce sont, dans le meilleur des cas, les associations et les particuliers qui pallient à ce manque de prise en charge et de protection en mettant en place des systèmes d’hébergements et d’accompagnement juridique, social et humain, tout simplement.

1Arrêté du 17 novembre 2016 pris en application du décret n° 2016 – 840 du 24 juin 2016 relatif aux modalités d’évaluation des mineurs

privés temporairement ou définitivement de la protection de leurs familles.

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