Une série de portraits consacrée aux « jeunes ». On parle souvent d’eux comme une entité homogène mais qui sont-ils réellement, dans leur singularité ?
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Coucou ! Peux-tu te présenter ?
Coucou, je m’appelle Léa, j’ai 24 ans, j’habite à Paris mais je vais vite partir. Je suis du Nord, de Lille. A Paris je fais un Master de sociologie à SciencesPo, avant ça j’ai fait des études de science politique européenne, c’était cool. Je suis partie en Finlande aussi, un semestre. Je suis végétarienne et tout doucement je suis en train d’enlever les produits laitiers de mon alimentation. Ça ne fait pas de moi une végane mais j’essaye de mieux manger, d’être super consciente de ce que je mets dans mon corps et ça me fait du bien d’être de plus en plus attentive à ça. J’aime plus que tout : les animaux, la nature, le calme et le « vert ». Du coup l’année prochaine je vais partir vivre à la montagne.
Tu peux nous en dire plus sur tes envies pour la suite ?
C’est une grosse question à laquelle je me trouve confrontée au moment de terminer mon Master 2. A part les gens qui sont dans un système où tout roule et qui ne se posent jamais de questions, on passe tou-te-s par là à un moment. Mais comme je termine un Master de sociologie, je n’ai pas énormément de débouchés. Enfin si, je pourrais faire plein de choses en fait, dans le domaine des politiques publiques, mais ça ne m’intéresse pas trop pour l’instant. Maintenant j’ai envie de calme, c’est-à-dire que j’en ai marre de me stresser pour du boulot pas bien rendu ou mal fait. C’est très lié à la valorisation personnelle : tu te sens dévalorisé-e en permanence parce que tu ne fais pas bien les choses. J’aimerais ne rien avoir à faire dans le sens de ne pas avoir de challenges parce que si t’as rien à faire tu ne peux pas être déçu-e. J’ai envie de ça pour quelques mois. En même temps, je sais que je vais vite m’ennuyer parce que j’ai besoin de vibrer tous les jours, d’avoir plein de projets. En tout cas, pour l’instant j’ai juste envie de faire un potager, de cultiver mes légumes, d’être avec mes chiens et si on pouvait être payé pour ça ce serait génial. Enfin je crois que ça s’appelle le revenu universel mais on n’y est pas encore. En tout cas pour l’année prochaine, je vais peut-être faire un service civique ou reprendre des études, il y a dix mille choses que j’ai envie d’étudier ou que j’ai envie de faire ! C’est super excitant mais super vertigineux.
Ton plus grand rêve ?
Mon plus grand rêve – c’est super matérialiste – serait de ne manquer de rien et de créer un refuge pour des animaux envoyés à l’abattoir, mais ça coûte très cher. Je pense à des animaux dont les éleveurs ne veulent plus ou des animaux maltraités par des éleveurs ou des particuliers que l’on repère grâce à certaines personnes qui font des signalements. C’est un énorme projet matériellement, humainement et financièrement mais j’aimerais vraiment pouvoir le faire et être sereine avec ça, être heureuse avec mes animaux tous les jours.
Il faudrait que ce rêve s’accompagne d’une sécurité matérielle afin que tu sois sereine ?
Oui, parce qu’on est dans une société où on se dit : « il faut que je fasse un job qui est bien payé pendant dix ans, que je mette de l’argent de côté et quand j’aurai mis cet argent de côté, je pourrai enfin réaliser mes rêves ». Moi je voudrais faire ce projet mais c’est quelque chose qui ne te rapporte pas du tout d’argent et même qui t’en fait perdre. Un refuge c’est énorme, il faut avoir une structure, payer des employés et ça me saoule de me dire qu’il faut que je fasse un métier qui ne me plait pas trop ou qui ne va pas me rendre heureuse pendant plusieurs années pour mettre de l’argent de côté. En soi, je suis à SciencesPo, je suis diplômée, je pourrais faire un métier qui me fait gagner 4 000 balles par mois, dans le domaine des politiques publiques à Paris … mais ça ne me plait pas. J’aimerais pouvoir faire ce genre de projet tout de suite mais c’est compliqué de vivre avec un RSA pour le mois dans les conditions actuelles, ou alors il faudrait aller vivre dans une communauté alternative.
Est-ce que c’est dur du coup d’avoir 24 ans en 2017 ?
Non, dans mon cas personnel ce n’est pas dur mais je suis consciente que j’ai de la chance, que je suis privilégiée : je suis blanche, je suis riche, je suis diplômée et j’ai des parents derrière moi avec un minimum d’argent donc je trouve ça génial d’avoir 24 ans en 2017. Mais c’est dans mon cas précis, parce que j’ai toutes ces données sociales qui font que j’ai de la chance. Je ne pense pas que je puisse parler pour les autres jeunes parce que je fais partie du très faible pourcentage qui a de la chance.
Tu peux avoir des problèmes malgré tes privilèges aussi, des « problèmes de riche » …
Moi je n’en ai pas. Après, c’est malheureusement toujours dur d’être une femme en 2017 : c’est pas normal d’avoir toujours peur dans la rue, c’est pas normal de se faire siffler, c’est pas normal de se faire regarder de haut en bas, c’est pas normal de toujours avoir peur de prendre la parole … mais, de nouveau, je suis blanche donc y a des problématiques que je n’ai pas. Il y a plein de choses comme ça dont je n’ai pas envie de me plaindre en fait parce que ça va. Ensuite, il y a plein de choses qui ne vont pas mais qui ne sont pas dues au fait d’être jeune ou non. Il y a plein de choses sur lesquelles je désespère, le pouvoir des industries agroalimentaires, Fillon, Macron … tous ces politiques c’est extrêmement désespérant mais ce n’est pas parce qu’on est jeune. Au contraire, je trouve ça super excitant de se dire que l’on va arriver après, nous.
Tu peux nous donner tes « conseils culture » ?
J’invite tout le monde à écouter ou à redécouvrir Leonard Cohen. Je le connaissais mais depuis quelques mois je l’écoute vraiment beaucoup et c’est un artiste incroyable. Si on comprend l’anglais il faut lire ses textes parce que c’est un poète et un romancier avant d’être un musicien. En musique toujours, écoutez la nouvelle scène française un peu alternative, les Zoufris Maracas, Les Cowboys fringants, Debout sur le Zinc, Les Ogres de Barback. Si je devais vous partager une seule chanson se serait « Cocagne » des Zoufris Maracas. En film, regardez tous « Demain », c’est assez politiquement correct mais ça souligne plein de trucs chouettes et ça fout le smile.
Si tu devais dire quelque chose à ton toi dans 20 ans, ce serait quoi ?
Fais attention grosse … j’espère que tu n’as pas perdu tes idéaux. J’espère tu ne te dis pas qu’être révoltée et avoir envie d’aller faire son potager c’est un truc de jeune, qu’à 40 ans il faut se ranger, payer ses impôts, bien gagner sa vie parce qu’on a des gamins et qu’il faut bien leur payer l’université. J’espère que je ne serai pas là-dedans, j’espère que j’aurai toujours 20 ans dans ma tête dans 20 ans.