Une série de portraits consacrée aux « jeunes ». On parle souvent d’eux comme une entité homogène mais qui sont-ils réellement, dans leur singularité ?
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Coucou ! Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Swan, j’ai maintenant 18 ans, je suis en Terminale S, spé maths, à Poitiers. Et un petit détail : j’aime beaucoup les pâtes au pesto.
Tu viens tout juste d’avoir 18 ans, ça te fait quoi d’être majeur ?
Physiquement, absolument rien. Mentalement, absolument rien non plus. Disons que je n’ai pas encore ressenti l’effet de la majorité. Pour l’instant j’ai pas l’impression que ça change grand-chose. Donc le seul changement c’est que maintenant on reconnaît mon avis comme important pour la démocratie, et en plus je suis censé être responsable.
Tu termines le lycée dans quelques mois, c’est quoi la suite ?
L’idée serait d’aller en prépa MPSI (Mathématiques, Physique et Sciences de l’Ingénieur). C’est pour ceux qui veulent faire les grandes écoles d’ingénieur mais moi ça ne m’intéresse absolument pas. Mon but c’est juste d’avoir un très bon niveau pour, dans le meilleur des cas, entrer à l’ENS. Mais ça reste un rêve fou, farfelu et fantasmagorique hein. J’ai choisi cette prépa parce que je sais très bien que si je vais en fac, je ne ferai rien de mes journées.
Ton plus grand rêve ?
Etant mélomane, musicien et appréciant mixer à mes soirées perdues, le grand rêve ce serait de balancer un gros drop d’électro, ou de future house pour les initiés, devant une foule de vingt mille personnes. Tu vois le plan arrière sur le dj qui lève les bras et commence à sauter avec les quinze machines à fumée qui jettent des jets de fumée de vingt mètres de long, avec des lasers et tout. C’est ça le délire. Mais cela n’arrivera probablement jamais. Le fait que ce soit inatteignable participe beaucoup au fait que ce soit un rêve. Quand c’est quelque chose de réaliste, en quoi c’est un rêve ? Un musicien va travailler parce qu’il aime sa musique, pas pour jouer devant vingt mille personnes, donc il ne travaille pas pour son rêve, même si un concert devant une foule immense peut finir par arriver. Je pense que c’est ce qui différencie un rêve d’un objectif.
En quoi c’est cool d’être jeune en 2017 ?
Déjà on n’a pas de rhumatismes. Et sinon, on vit dans une société où les jeunes sont souvent encadrés, aidés. Les parents, les professeurs et au-delà vont aider les jeunes à s’accomplir dans la vie, et ça permet d’avoir une énorme liberté individuelle. Un jeune a quand même beaucoup plus de liberté qu’un adulte ou qu’un jeune né au début du vingtième siècle. Et cette liberté implique de pouvoir sortir, de pouvoir faire des soirées, de pouvoir laisser son esprit s’occuper de choses qui n’ont pas tellement d’importance.
En quoi c’est dur d’être jeune en 2017 ?
C’est un peu le règne des phénomènes de mode. En 2017, le « jeune » a une manière d’être, et quelqu’un qui sort de cette manière d’être va finir marginalisé. Je veux dire qu’il faut avoir un certain profil. C’est ironique parce que je disais qu’on a plus de liberté, mais il faut croire que si on veut « s’intégrer », si on veut faire partie d’un mouvement large, il faut renoncer à une partie de cette liberté en se conformant à un certain type de « jeune ». Je pense à ce tout petit échantillon de chansons qui est glorifié sur les réseaux sociaux et à la télé. Y a une culture « jeune » à laquelle il faut appartenir. Enfin je me perds un peu, mais en gros l’image du « jeune » aujourd’hui c’est celui qui porte des New Balance, des Stan Smith ou des Nike, qui a un ourlet sur son jean, un pull lisse (attention il faut pas qu’il soit tressé), les cheveux très courts sur les côtés et moins courts devant et avec un iPhone ou un Samsung. Ça craint, on sort du lot si on n’aime pas ces marques de chaussures ou si on porte des chemises toute l’année. Donc moi je suis « le gars qui porte des chemises » ou « le mec original » parce que même quand tu suis pas le phénomène de mode, tu finis par être défini.e en fonction de celui-ci : si tu mets des Stan Smith, t’es à la mode, si tu n’en mets pas, tu es original.
Donne-nous une musique à écouter, un livre à lire et un film à voir !
Musique à écouter : Rubber – Curbi
Livre à lire : Le grand roman des maths de Mickaël Launay. C’est génial, tu comprends tout, t’as pas besoin d’aimer les maths, et surtout tu comprends pourquoi t’as pas aimé les maths pendant ta scolarité.
Film à voir : Bah franchement je pense au Disney Zootopie. C’est un film qui fait un portrait de la société très juste, pas édulcoré, en utilisant la métaphore animale ; et ça j’aime bien.
Si tu devais dire quelque chose à ton toi dans 20 ans, ce serait quoi ?
J’espère que je pourrai lui dire « t’as géré, mec ».