Notre société est sensée être basée sur un principe de solidarité (« Sentiment d’un devoir moral envers les autres membres d’un groupe, fondé sur l’identité de situation, d’intérêts », Larousse). Cela suppose que nous prenions soin les uns des autres. Pour des quantités de raisons, quelles soient d’ordre social ou médical, des êtres peuvent avoir besoin d’un accompagnement plus ou moins important. Dans l’ordre actuel des choses, le garant de cet accompagnement est l’État. Les solutions sont mises en place par le biais d’institutions adaptées, allant de l’hôpital au bureau d’assistant·e social et bien d’autres. Ce sont les services publiques, c’est le domaine du Social.
Notre société est censée être basée sur un principe de solidarité (« Sentiment d’un devoir moral envers les autres membres d’un groupe, fondé sur l’identité de situation, d’intérêts », Larousse). Cela suppose que nous prenions soin les uns des autres. Pour des quantités de raisons, quelles soient d’ordre social ou médical, des êtres peuvent avoir besoin d’un accompagnement plus ou moins important. Dans l’ordre actuel des choses, le garant de cet accompagnement est l’État. Les solutions sont mises en place par le biais d’institutions adaptées, allant de l’hôpital au bureau d’assistant·e social et bien d’autres. Ce sont les services publiques, c’est le domaine du Social.
Le système repose cependant principalement sur les nombreux corps de métiers qui veillent à prodiguer cet accompagnement. Ce sont les acteurs et actrices du Social. Ce sont des personnes. Leurs actions sont aussi variées que possible mais leur point commun est de venir en aide à celleux qui en ont besoin. Leur rôle est essentiel. Ils sont indispensables. Et pourtant, les métiers du social manquent cruellement de reconnaissance. Alors que leurs conditions de travail sont souvent difficiles, voire précaires dans certains cas, on ne les écoute pas. Celleux à qui ils viennent en aide et eux-même sont relégué·e·s à l’angle mort de notre vision sociale.
Nous n’avons ni le pouvoir, ni la prétention, chez Berthine, de pouvoir trouver les solutions adéquates pour sauver un système social qui semble aller droit dans le mur. Mais nous pouvons écouter. Nous avons choisi de discuter avec de jeunes (et moins jeunes) adultes qui ont choisi d’en faire leur métier. Même s’il y a du chemin à faire, en les rencontrant, nous sommes plein·e·s d’admiration mais aussi d’espoir.
Le système repose cependant principalement sur les nombreux corps de métiers qui veillent à prodiguer cet accompagnement. Ce sont les acteurs et actrices du Social. Ce sont des personnes. Leurs actions sont aussi variées que possible mais leur point commun est de venir en aide à celleux qui en ont besoin. Leur rôle est essentiel. Ils sont indispensables. Et pourtant, les métiers du social manquent cruellement de reconnaissance. Alors que leurs conditions de travail sont souvent difficiles, voire précaires dans certains cas, on ne les écoute pas. Celleux à qui ils viennent en aide et eux-même sont relégué·e·s à l’angle mort de notre vision sociale.
Nous n’avons ni le pouvoir, ni la prétention, chez Berthine, de pouvoir trouver les solutions adéquates pour sauver un système social qui semble aller droit dans le mur. Mais nous pouvons écouter. Nous avons choisi de discuter avec de jeunes (et moins jeunes) adultes qui ont choisi d’en faire leur métier. Même s’il y a du chemin à faire, en les rencontrant, nous sommes plein·e·s d’admiration mais aussi d’espoir.
Aujourd’hui, nous rencontrons Ouaria, 24 ans, aide-soignante. Elle exerce un métier exigeant, aux multiples facettes et souvent mal compris ou sous-estimé aussi bien par les professionnel·le·s que les profanes.
1. En quoi consiste le métier d’aide-soignant·e ?
Le référentiel de l’aide-soignant·e, que l’on reçoit en formation dit que notre métier consiste à : « maintenir l’intégrité physique et psychologique de la personne ». On trouve des aide-soignant·e·s dans plein de structures différentes (hôpitaux, EPHAD*, etc). Anciennement, notre rôle était surtout très technique et hygiénique (nursing*, soins médicaux). Aujourd’hui, ça a beaucoup évolué et ça change beaucoup selon la structure où on travaille.
Moi, je travaille dans une MAS*, donc une Maison d’accueil Spécialisée. C’est un peu différent de la fonction d’aide-soignant·e de base qu’on apprend à l’école parce qu’une MAS, c’est plus social. A l’école d’ aide-soignant·e, ce n’est pas médico-social* mais surtout sanitaire*. Dans les MAS, on a en plus une partie éducative. Dans mon poste actuel, je m’occupe donc des soins infirmiers qui nous sont délégués mais aussi d’activités (chez nous, comme c’est un public vieillissant, ce n’est plus trop de l’éducatif pur mais du maintient des acquis).
Il y a des structures où ils essayent de distinguer nettement ce qui relève du sanitaire et ce qui relève de l’éducatif et où on distingue donc clairement les postes d’aides-soigant·e·s et d’AES*. Mais en vérité, l’éducatif et le sanitaire sont complémentaires. Dans les gestes du quotidien comme la toilette, il y a aussi un versant éducatif.
2. Qu’est-ce qui t’a conduit vers ce domaine et ce métier en particulier ?
Je suis partie vers un BEP et un BAC professionnel parce que je savais que je voulais être auprès des personnes. Avec les stages, on était complètement dans le service à la personne. Ça m’a confirmé que ce coté me plaisait.
Dans le métier d’aide-soignant·e, on retrouve le contact, on se sent utile au quotidien. Le public avec lequel je travaille aujourd’hui me plaît beaucoup aussi. On travaille avec des personnes en situation de polyhandicap*. Elles ne sont pas forcément communicantes verbalement. La communication est beaucoup non-verbale. Ce public m’attire plus que d’autres, parce que je trouve que ce sont des personnes qui sont complètement vraies. Elles ne jouent pas, elles ne sont pas fausses, soit elles sont heureuses, soit elles ne le sont pas.
3. Quelle formation as-tu suivi ? Qu’en as-tu pensé ?
J’ai donc fait un BEP et un Bac Pro « Service aux personnes et aux territoires ». Pour passer le concours d’aide-soignant·e, il n’y a pas besoin d’avoir un Bac, bon moi je l’avais. J’ai passé plusieurs concours et j’ai été prise à l’IFPS, à la Roche-sur-Yon.
Grâce au BEP et au Bac, j’avais certaines notions importantes et une approche du public depuis plusieurs années. Donc je n’avais pas peur de la personne vieillissante, des corps. Après, la formation d’aide- soignant·e est vraiment plus poussée, le coté médical aussi.
4. Comment évaluerais-tu ta formation ? En es-tu satisfaite ?
Oui, j’en suis satisfaite. Et l’IFPS est une très bonne école.
Après, dans ma fonction à la MAS, je pense que je suis encore loin de tout ce que je pourrais faire. Ça dépend vraiment des structures dans lesquelles on est. Pendant ma formation, j’ai fait des remplacements à l’hôpital, ce qui n’est pas du tout la même chose. J’ai aussi fait des remplacements en maison de retraite, encore très différent. En tant qu’ aide-soignant·e, tu as plein de possibilités mais tu en as plus ou moins après selon les structures où tu es. Il faut toujours s’adapter.
5. Comment est organisée ta MAS ?
Avec les normes actuelles, on nous demande d’intégrer les personnes dans de plus petits groupes pour qu’elles soient mieux socialisées, moins perdues. On fonctionne donc avec quatre unités de 8 ou 9 personnes, voire 10 avec les accueils temporaires. Mon unité s’appelle Cristal. J’ai à ma charge huit résident·e·s.
6. A quoi ressemble une de tes journées « types » ?
Oh la la ! [rires] Ce qui est intéressant, c’est qu’il n’y a pas vraiment de journée « type ». Il y a des temps clés, disons.
Quand j’arrive, je lis mes transmissions et je parle avec les filles de nuit. Ensuite, je vais voir mes résident·e·s pour les petits-déjeuners. Je suis toute seule pour les petits-déjeuners. Donc, soit c’est en accompagnement en chambre, soit dans la salle à manger de l’unité. Dans l’idée je les laisse faire mais je suis là pour aider quand il faut. On essaye de leur faire garder un maximum leur autonomie. On cherche à leur laisser faire des choix (même si la notion de choix est compliquée pour eux). Ce que j’aime, c’est que par rapport à l’hôpital par exemple, on a beaucoup plus de temps pour les accompagnements. Après ça, j’ai une collègue qui arrive et on commence les soins nursing. Encore une fois, ce qui est bien dans le social, c’est qu’on a le temps.
C’est vraiment une chance comparé aux autres structures. En maison de retraite par exemple, j’étais par semaine sur une moyenne de 10 personnes accompagnées contre 3 en MAS. En plus, certains accompagnement se font à deux en MAS. Une autre grande différence est liée au public. En maison de retraite, ce sont des gens comme toi et moi qui ont vieilli et qui se retrouvent en institution. Et souvent, c’est difficile de les faire participer alors qu’on leur demande pour eux-même, pour retarder le vieillissement, pour être acteur de leur journée. Le fait qu’on le fasse pour eux leur semble parfois dû (parce qu’ils sont vieux, parce qu’ils ont travaillé toute leur vie, parce qu’on est payé pour ça). En MAS, ils démarrent dans la vie avec de grosses difficultés et ils sont capables de faire plus de choses. Leur volonté n’est pas la même.
Après, entre les toilettes et le midi, il y a un temps de battement. Dans notre MAS, c’est un public plutôt vieillissant, il ne faut pas l’oublier. Il faut tout le temps prendre en considération le cumul de la pathologie et du vieillissement. La toilette leur demande beaucoup d’efforts, donc il faut qu’ils se reposent un peu.
Après, il y a le repas. Comme pour le reste, on essaye que les personnes soient le plus autonome possible. Les alimentations sont adaptées à chacun (certains repas sont épaissis ou mixés) et leurs positions à table aussi à l’aide de matériel parfois.
Ensuite, on propose un passage aux toilettes, suivi d’une sieste ou d’un temps calme.
Comme on est dans le social, le rapport éducatif est très important. Cet aspect-là passe notamment par les activités au sein de la MAS (activités manuelles, exercices de motricité) ou en extérieur. J’ai déjà fait des sorties canoës, à l’aquarium de la Rochelle, au restaurant… C’est quelque chose qui me plaît parce qu’on ne voit pas ça ailleurs en tant qu’aide-soignant·e. Quand je fais ça, je n’ai pas l’impression de travailler.
Il y a un petit goûter de prévu dans l’après-midi. Ensuite, la mise en pyjama se fait assez tôt, avant le repas du soir. Les personnes peuvent aller se coucher après si elles ont envie.
En plus de tout ça, je suis pro-ressource de mon unité, donc j’ai en plus une journée détachée pour organiser la semaine de mon unité (les rendez-vous médicaux, les activités).
7. Quelles sont les plus grandes difficultés que tu as pu rencontrer jusqu’à présent ?
Depuis que je travaille, je trouve que le plus difficile, c’est la manière dont se dégrade le sanitaire d’abord et maintenant le social qui était un peu plus épargné. Ça se manifeste notamment dans les restrictions budgétaires. Mais l’impact majeur, c’est l’épuisement des professionnel·lle·s. Depuis que je suis diplômée, je ressens aussi cet épuisement. Il vient très rapidement, notamment en voyant ses collègues à bout. Le travail en équipe est très important.
Psychologiquement, ça peut être difficile. On a de nouvelles orientations parce que le public polyhandicapé va être de moins en moins important. Aujourd’hui on peut détecter les handicaps lourds dès la grossesse. Du coup, on a beaucoup de personnes avec des troubles psy qui intègrent nos résidences et on est donc plus du tout sur la même façon de travailler, de les aborder. Cette mixité de publics qui ont des besoins différents, ça peut être difficile à gérer psychologiquement.
8. Quelles sont tes plus grandes réussites et satisfactions ?
Ce qui me fait plaisir surtout à la MAS, c’est le public polyhandicapé. Ça a été une vraie révélation pour moi. Tous les jours, on a de nouvelles choses qu’ils nous font, de nouvelles donnes. Bien qu’ils soient lourdement handicapés, je trouve ça physiquement moins dur qu’en maison de retraite par exemple.
Même si c’est difficile, j’ai généralement vraiment pas l’impression de travailler. Dans l’ensemble, je suis maître de ma journée, de ce que je vais proposer. Il n’y a pas de flicage.
9. Comment cela se passe-t-il lorsque tu rentres ? Est-ce facile de décrocher d’une journée de travail ?
Oui et non. Je travaille à une quarantaine de minutes de chez moi. Pour certain·e·s, ce serait vraiment une grosse contrainte. Mais moi, je trouve qu’avec ce public-là, qui peut vraiment mettre tes nerfs à bout, c’est important de décompresser et d’évacuer et le temps de route permet ça. J’arrive chez moi plus sereine. J’ai travaillé en usine aussi et alors quand tu rentres, t’as fait ton travail et c’est fini. Mais quand tu travailles en hôpital, en maison de retraite ou en MAS, tu travailles avec des personnes, tu as toujours ce coté où tu es inquiet pour elles : est-ce que j’ai bien fait ça ? Est-ce que l’hospitalisation se passe bien ? Tu es humainement impliqué·e.
10. Comment envisages-tu ton avenir en tant qu’aide-soignante ?
Catastrophique ! [rires] J’ai plusieurs amies dans le sanitaire et social. Ça fait, pour nous toutes, moins de cinq ans qu’on est dans le monde professionnel et on a l’impression que lorsqu’on était en études on avait une sorte de voile devant les yeux. Maintenant, on voit tout ce qui va de travers dans ce milieu, qu’on a énormément de bâtons dans les roues. C’est démoralisant, alors que c’est beau ce que l’on fait. Je ne me vois pas faire autre chose mais en même temps, ça fait un peu peur. J’aime beaucoup le public avec lequel je travaille mais il y a comme une fatalité, je vais être obligée de me diriger par la suite vers un autre.
Petit lexique du Social :
AES : Accompagnant Éducatif et Social.
EPHAD : Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendante
ES : éducateur ou éducatrice spécialisée
MAS : Maison d’Accueil Spécialisée
Nursing : comprend principalement les soins liés à l’hygiène mais aussi au corps plus généralement, comme les massages par exemples
Polyhandicap : « handicap grave à expressions multiples associant toujours une déficience motrice et une déficience intellectuelle sévère ou profonde, entraînant une restriction extrême de l’autonomie et des possibilités de perception, d’expression et de relation », Onisep
Sanitaire : branche plus médicale du service à la personne, comprenant globalement les médecins, infirmiers, les aides-soignants
Social : branche du service à la personne relevant plus de l’accompagnement éducatif, personnel, comprenant globalement les AES, E.S.