“Supposons l’existence des licornes. Alors il existe un territoire, que l’on appellera le bois des licornes, dans lequel elles habitent. Mais alors, puisque les licornes habitent ce lieu, elles existent!”
En lisant ceci en diagonale, on serait presque tenté d’y croire. Mais ce problème présente une faille : il suppose la propriété qu’il veut prouver pour la prouver ! Autrement dit, ici, cela revient à dire : “si les licornes existent, alors elles existent”. Pas très logique, car le but de la logique est de supposer un ou plusieurs éléments de base pour en déduire de nouveaux, et non pour prouver ces éléments de base (en maths, on parlera d’axiomes).
Prenons un autre exemple de raisonnement stérile. Soit (mot magique des mathématiques au caractère presque divin) deux barres parallèles verticales. On suppose qu’il existe un barreau horizontal entre ces deux barres à une hauteur quelconque. À l’aide d’un argument dont la nature n’est pas intéressante (par exemple, le constructeur de cet édifice ne savait pas s’arrêter), il suffit de prouver qu’un autre barreau suit ce barreau initialement supposé pour montrer qu’il existe un barreau à n’importe quelle hauteur de l’édifice, devenu à présent une échelle infinie, ce qui est pourtant totalement faux.
Le problème du raisonnement vient du fait qu’on a encore une fois supposé la propriété qu’on voulait prouver (“à une hauteur quelconque, on trouvera un barreau”). Que manque-t-il alors ? Il manque un élément initial dont on est sûr de l’existence et qui justifie alors tout le raisonnement ! En effet, il suffit de vérifier qu’il y a un barreau en bas de l’échelle et de refaire le raisonnement pour prouver qu’il y a un barreau à n’importe quelle hauteur! Car du premier barreau on déduit l’existence du second grâce au raisonnement, et ainsi de suite.
Un tel raisonnement s’appelle le raisonnement par récurrence (la brosse à chiotte qui récure, le raisonnement récurrent, t’as compris le titre lol) qui permet de prouver une propriété pour tout élément se suivant selon un itérable (un nombre naturel qui augmente de 1 à chaque rang de la propriété). Dans l’exemple de l’échelle, l’itérable est la hauteur considérée.
Une récurrence suit les étapes suivantes :
- L’initialisation : on met en évidence un élément initial (en général le premier qui existe) qui respecte la propriété.
- On suppose la propriété à un certain rang quelconque.
- L’hérédité : on montre de façon logique que la propriété est vraie au rang suivant.
Et c’est gagné, la propriété est vraie à tout rang.
Et concrètement, à quoi ça peut servir une récurrence ? Eh bien, l’existence même de l’ensemble infini des nombres naturels (0,1,2,3…) est prouvée grâce à un raisonnement par récurrence. Pour le prouver rigoureusement il faudra supposer de façon axiomatique qu’il existe une infinité de boîtes (éléments différents des nombres sinon la démonstration n’a aucun intérêt), qu’il existe des boîtes ne contenant rien, et qu’on peut parmi toutes ces boites en piocher une (les matheux auront reconnu l’axiome du choix)
Si l’on prend une boîte vide, il y a 0 éléments dedans. Si maintenant on met cette boîte dans une autre boite, on a à présent une boîte contenant une boîte. Ce qui prouve l’existence du nombre 1 et initialise la récurrence.
Soit maintenant, au rang n, la propriété P(n) suivante : “si le nombre n existe, alors en mettant une boite contenant n boites dans une autre, cette dernière en contient n+1 et le nombre n+1 existe”
Pour l’hérédité, il suffit de remarquer qu’il existe une infinité de boîtes. On met donc la boite supposée qui contient n+1 boîtes dans une autre. Cette dernière contient évidemment n+1 boîtes, plus la boîte qui les contient, donc au total n+2 boîtes, et ainsi le nombre n+2 existe. Ceci prouve P(n+1) et achève la récurrence.
On a ainsi prouvé que chaque nombre entier est suivi d’un autre, plus grand de un, ce qui est une des bases fondamentales des maths.
Allez salut,
Swan.
PS : Cet exemple n’est pas logiquement irréfutable, mais pour un souci de compréhension, il faut accepter l’existence d’une infinité de boîtes pour prouver l’existence d’une infinité de nombres…