Je suis assez certaine de ne pas me tromper en disant que, toi qui me lis et qui est en âge de procréer, tu as eu le droit au moins une fois dans ta vie à la fameuse remarque l’air de rien de ta grand-mère ou d’un ami de ta tante : « C’est pour quand le bébé ? ». Quand on a entre vingt-cinq et quarante ans, quand on est en couple hétérosexuel visiblement stable et qu’on est une femme, on a tous les critères pour que de nombreuses personnes se permettent de poser cette question. Alors vous me voyez venir ; ça me pose un gros problème. Voici une liste non exhaustive des raisons pour lesquelles cette remarque est souvent extrêmement déplacée :
Commençons par le commencement : cette question posée autour de la tarte aux pommes au repas de famille est très loin d’être anodine. On parle quand même d’une décision qui change radicalement une vie et qui est donc très personnelle. Tout le monde sait ça et pourtant beaucoup ne se rendent pas compte qu’il est quand même difficile d’y répondre comme ça : « Marrant que tu poses la question, avec mon keum ce matin on faisait hum hum et on se disait que ça serait sympa qu’on arrête la capote pour fabriquer un bébé mignon mais après on s’est rappelés que du coup on pouvait tirer un trait sur nos grasses mat’ donc bof ». Bref tout ça pour dire, que l’on veuille un enfant ou pas, on a pas forcément envie de le partager avec le premier venu.
Et puis bon, foutez-nous la paix bordel. On ne fait pas un gosse pour faire plaisir à son entourage ou pour avoir l’avis de son collègue. La pression familiale et à plus grande échelle la pression sociale sur ce choix est bel et bien présente. Saupoudrée de sexisme, sinon c’est pas drôle, puisqu’on pose quand même plus souvent la question aux femmes. Dans l’imaginaire collectif on suppose que cette décision n’appartient qu’à la potentielle mère…
Enfin n’oublions pas qu’on ne connaît pas forcément certains aspects de la vie des gens qui nous entourent, même quand on a l’impression d’être proche d’eux. Peut-être que ta cousine est extrêmement malheureuse parce qu’elle voudrait être mère mais que son amoureux, lui, ne veut pas en entendre parler. Peut-être que ton meilleur ami vient d’apprendre qu’il était stérile. Peut-être que ta sœur vient justement d’avorter. En fait cette question peut provoquer beaucoup de sentiments négatifs : tristesse, colère, dégoût etc. Elle peut ramener à des problèmes médicaux, à un désaccord au sein du couple ou aussi à un questionnement personnel sur nos choix de vie par exemple. Et là je parle en connaissance de cause. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai eu envie d’avoir des enfants « un jour ». Et puis ce jour est arrivé il y a un an et demi à peu près : mon conjoint et moi-même avons sérieusement envisagé un bébé. Mais voilà, ça ne s’est pas passé comme prévu. De nombreux mois se sont écoulés avant que le miracle se produise. Je ne vais pas développer ici et maintenant mon parcours émotionnel et médical mais je l’évoque parce que j’ai été, pour la première fois, dans la situation où la question « et vous c’est pour quand le bébé ? » a été très pénible.
Alors réfléchissons bien avant de poser cette question à un membre de notre entourage.