Non, je ne passe pas ces trente minutes dans un confessionnal (même si, c’est assez fantasmatique). Je ne les passe pas non plus assise sur l’une de ces petites chaises pas très confortables à écouter un prêtre parler des Évangiles (un peu moins fantasmatique). Non, non. Tous les lundi à 12h45, à l’église Saint Porchaire de Poitiers le père G. organise une séance de méditation de pleine conscience, laïque et ouverte à tou·te·s. C’est un véritable succès car, à chaque fois, l’église est comble ! C’est assez surprenant parce qu’on retrouve une grande diversité de personnes : des retraité·e·s, des cadres en pause déjeuner, des étudiant·e·s, des hommes et des femmes de toutes les tranches d’âge adulte. Certain·e·s posent devant eux leur sac à dos, d’autres leur sac à main et même leur chariot à provisions sur roulettes.
Je ne me suis jamais rendue à une messe mais je doute que l’église soit toujours aussi bien remplie. Le lieu est comme réinvesti, plus ouvert. Il nous invite à tou·t·e·s rentrer nous installer (sur l’une de ces petites chaises pas très confortables mais en fait on s’en fiche puisque ce n’est pas le but de notre visite).
Qu’est-ce que la méditation de pleine conscience ?
La méditation de pleine conscience provient de l’enseignement de Siddhartha Gautama, chef spirituel, aussi appelé le Bouddha (qui signifie par ailleurs « l’Éveillé »).
Comme nous le répète souvent le père G., la médiation de pleine conscience, ce n’est pas de la relaxation. Au contraire, cela requiert de mobiliser toute notre capacité de concentration afin de faire attention à ce qui nous entoure mais aussi ce qui se passe en nous (sensations, pensées). Différents exercices nous permettent, non pas de ne plus penser (voilà qui serait très compliqué et dangereux), mais de ne pas se laisser entraîner dans le flot très important de nos pensées. Il faut les observer mais ne pas s’empêtrer dedans et les laisser partir, comme des nuages qui ne font que passer. Cette médiation est aussi un exercice de bienveillance (envers soi et les autres) et de positivité. Mais ce qui me plaît particulièrement c’est que tout cela (bienveillance et positivité) n’est pas amené avec l’habituel mièvrerie creuse de « il faut sourire à la vie » et patati et patata. Méditer est bon pour la santé et a des effets mesurables. J’aime que les choses ne soient pas trop spiritualo-ésotérique.
Comment se déroule une séance à Montierneuf ?
Nous arrivons un peu avant 12h45 (nous croisons quelques dames âgées qui sortent de la messe qui vient de finir) et nous nous installons dans l’église. Le père G. nous conseille de ne pas tout le temps nous asseoir à la même place. Nous essayons donc de varier (un coup plus à gauche, un coup plus devant…). Quelques minutes passent et le père G. arrive par une petite porte latérale à l’autel. Il se saisit d’un micro placé au premier rang et nous salue d’un « Voilà, bonjour ». Pendant cinq à dix minutes, il nous explique différentes choses relatives à la méditation en elle-même ou bien de nature plus scientifique sur le fonctionnement de notre système cérébral. Pour illustrer ce dernier point, l’autre jour, le père G. a souligné que le stress est un élément indispensable pour (sur)vivre. En effet, sans le stress, nous ne pourrions pas réagir face au danger (le tigre à dents de sabre pour nos ancêtres lointains, traverser la rue pour nous autres). Le problème, c’est que nos pics de stress ont aujourd’hui lieu, entre autres, pour des événements dont notre survie ne dépend pas (une réunion avec son patron par exemple) et que ces pics ne baissent que très difficilement.
Ensuite, nous passons à la méditation. Avant toute chose, il faut se mettre en position. Celle-ci doit être digne, confortable et stable. Le dos est bien droit, les pieds sur le sol et les mains posées sur les cuisses ou l’une dans l’autre. Idéalement, il faut aussi fermer les yeux car la vue nous affole par toutes les informations qu’elle nous envoie en même temps. Sinon, il faut fixer un point fixe.
Une fois bien installé·e·s, les exercices commencent. Le père G. nous guide par la voix. Souvent, nous commençons par nous concentrer sur une partie de notre corps en commençant par les pieds, puis en remontant jusqu’à la tête. J’ai toujours eu un peu de mal avec cet exercice parce que je n’arrive pas à « être » mon pied (ce qui me semble tout à fait logique, je ne suis pas un pied, j’ai un pied, éventuellement je danse comme un pied). Mais le père G., par ses indications, m’a aidé à améliorer cela car il s’agit en fait de se concentrer sur les sensations des pieds (la pression de la semelle, le froid, etc). Ce qui est beaucoup plus concret !
Après cela les exercices varient d’une semaine à l’autre. Parfois, j’ai l’impression de bien y arriver et parfois pas du tout. Se concentrer sans divaguer est très difficile. Il y a quelques semaines, l’exercice consistait à se concentrer sur le bruit et la sensation des mains que l’on frotte énergiquement. Le bruit en particulier m’a beaucoup aidé à me concentrer. En revanche, une ou deux séances auparavant, il était demandé de nous concentrer sur l’image d’une montagne, son imposante immobilité, et de nous identifier à elle afin d’effectuer nos mouvements en fonction de cela. Je suis une très mauvaise montagne.
Après quoi, le père G. nous invite à faire les mouvements qui nous font du bien avant de nous lever et de quitter calmement l’église (pour laisser à celleux qui le souhaitent la possibilité de poursuivre la méditation).
Méditer n’est pas de tout repos ! Mais j’ai l’impression d’être plus calme et plus concentrée le lundi après-midi, que les exercices aient été un succès ou non. En plus de cela, plusieurs des exercices que nous faisons sont facilement intégrables au quotidien. Idéalement, il faudrait méditer vingt minutes par jour. Mais se rendre le plus régulièrement possible le lundi à Saint Porchaire est déjà une bonne chose. Cette initiative du père G. est d’une grande intelligence car en choisissant d’ouvrir l’église à l’heure de la pause déjeuner, il permet à tou·te·s de se rendre disponibles sans perturber l’ordre serré de nos journées. L’initiative est d’autant plus remarquable qu’elle permet de remplir une église en semaine, créant un nouveau mode de rassemblement alors que la place et le rôle de l’Église ne semblent pas toujours assurés, ou du moins, indispensables dans notre société.